Quand la SNCF se disloque à très grande vitesse

11/08/2011 23:48

https://www.peynier.free.fr/Blogs/Infos/public/Images/2011/Lgv.jpgAller à Paris pour travailler peut constituer une véritable aventure dans le nouveau contexte de la SNCF, compte tenu de la situation sur la ligne Bordeaux Paris. L’obsession de la vitesse a fait prendre à la société en général, et aux transports en particulier, des postures désarmantes. Par exemple il faudra s’habituer à ce que les trains qui arrivent ou partent à l’heure soient des exceptions, car les moyens humains et matériels qui garantissaient cet engagement n’existent plus. L’usager du service public est devenu un client auquel il faut vendre des… promesses mais surtout pas des réalités.
En fait, la transformation sociale en cours conduit à l’intégration de références identiques dans tous les registres de la vie quotidienne. En politique, depuis maintenant 10 ans on vend du vent sur la base d’effets d’annonce, puisque on sait fort bien que la volonté et les moyens de leur mise en œuvre concrète n’existent pas. A la SNCF, on vous vend de pseudos économies de temps qui parfois n’existent que sur les dépliants publicitaires. Pas une semaine sans que le TGV que je vais chercher à Libourne n’ait une véritable raison pour éviter de respecter les horaires annoncés. C’est effarant, et on sent bien que le personnel, au plus haut niveau, s’est fait une raison.
Dans le vaste hall de la gare Montparnasse, après avoir couru pour arriver suffisamment tôt, le festival habituel des annonces débute en général entre 18 h et 19 h, période durant laquelle les « incidents techniques », les « retards d’acheminement », les « délais de préparation », les « incidents sur les voies », les « accidents de personnes » se multiplient. Même si les voix qui annoncent ont pour ces dames la suavité qui sied aux hôtesses, on sent bien qu’il y a une certaine lassitude à devoir, le plus brièvement possible, donner des espoirs successifs de départs décalés. Les annonces ne servent, en fait, qu’à repousser l’échéance. On débute par « quelques minutes », puis par une dizaine de minutes, puis par vingt minutes, pour arriver parfois à une demi-heure… C’est l’art de repousser l’espoir de voir la SNCF tenir ses engagements. Sur le tableau d’affichage la dernière colonne indque imperturbablement « à l’heure ».
Le plus cocasse, c’est que la raison varie, au fil du temps, pour finalement devenir inexpliquée, sauf par des mots banals ne recouvrant pas la réalité qui est l’insuffisance de moyens, la surcharge du trafic, les priorités données à certaines rames sur d’autres. Le train pour Chartres est annulé… et les voyageurs attendront le prochain… Pas grave, des excuses ressassées par la voix lointaine doivent suffire à calmer le désappointement des gens. L’engagement sur la ponctualité, et la distribution des enveloppes permettant le remboursement partiel du billet, ne sont même plus respectés, car les coûts seraient prohibitifs pour l’entreprise. Même avec 20 ou 30 minutes de retard à l’arrivée, dans la nuit, vous aurez du mal à voir un contrôleur remettre sur le quai la fameuse enveloppe. Si ce fut le cas il y a quelques mois, c’est désormais oublié !
En fait, on entre dans la période extraordinaire où on a fait les poches des collectivités territoriales pour construire des lignes à grande vitesse, qui ne serviront qu’à gommer (et encore !) le retard régulier constaté sur la ligne qui devrait amplement permettre le déplacement dans un temps raisonnable. Si on commençait simplement à faire partir les trains à l’heure et à les faire arriver à l’heure, on aurait une avancée significative en matière de services. C’est une course effrénée contre le temps, dépourvue de tout sens réel, puisque l’essentiel n’est pas atteint, dans le contexte actuel. Ces milliards de la frime ont comme seul avantage réel de faire travailler les grandes entreprises de travaux, mais pas nécessairement de procurer un changement profond du quotidien des contributeurs.
Il fut une époque où on prétendait que les journalistes avaient le défaut de ne parler que des trains qui n’arrivaient pas à l’heure, alors qu’ils négligeaient les milliers qui arrivaient dans les temps… C’est une époque révolue, car maintenant, ils auraient bien du mal. Imaginez que, par exemple, ils annoncent que dans la journée de hier tous les trains (TER, trains normaux, TGV), fait rare, tous les trains,donc, soient partis et arrivés à l’heure, c’est cela qui constituerait un événement.
Matériel moins entretenu, personnel absent, services commerciaux perdus dans des tarifications d’une complexité effarante, entrée dans la logique du profit…La SNCF pratique la fuite en avant par des promesses qui n’ont véritablement aucun intérêt tant que les bases de ce qui a fait sa valeur ne seront plus respectées.

Jean-Marie Damian
L'article original sur www.jeanmariedamian.fr